Les RAW sont tous traités numériquement par les boîtiers.

 

Depuis des années, les constructeurs revendiquent, pour améliorer la qualité des images, l’utilisation de traitements numériques internes ( DSP, Digic pour Canon ), pour délivrer un RAW, ou encore un JPEG boîtier.

Qu’en est-il vraiment pour le RAW ? Ce signal est codé selon une forme encore proche de ce que le capteur délivre de manière analogique, et n’a pas reçu encore les ordres dits de dématriçage. Les couleurs ne sont pas décodées totalement. La finesse du signal est accrue en codage ( 14 bits ) par rapport au fichier décodé (JPEG) proposé par les boîtiers ( 8 bits ). Beaucoup d’avantage, qui en font une espèce de «négatif numérique » car les couleurs ne sont pas fixées.

Aujourd’hui (depuis les générations de boîtiers 2006) les fichiers RAW, ou les fichiers JPEG ou TIFF, sont de qualité globale presque identique. Chaque constructeur met son savoir faire dans ses boîtier et les fichiers décodés sont tous issus d’un RAW. Si l’intérêt de faire soi même les réglages finaux ( température de couleur, courbes, accentuation, récupération de blancs troués, etc. ) reste très appréciable, néanmoins, pour la qualité globale, les puces électroniques embarquées ont déjà fait leur travail en amont du RAW.

Cependant, on imagine mal le constructeur faire des avancées seulement pour les JPEG.

1. Les boîtiers procèdent-ils à un traitement numérique du RAW ?

Certains affirment que le RAW ne reçoit pas de travail d’amélioration des puces embarquées ( DSP ou DIGIC ) et qu’il s’agit seulement d’un direct capteur. Les mêmes affirment aussi que le signal n’est jamais débruité, que le signal est littéralement « pur ».

Pourtant Canon indique bien un premier traitement analogique, en sortie immédiate des Cmos (famille de capteurs les plus prisés actuellement), pour contrer les bruits connus et anciennement à la charge de cette technologie. C’est le « noise patern », créé à la correction du signal analogique. Canon n’indique pas si ce traitement a aussi des traitements numériques seconds. Néanmoins c’est un premier travail acquis.

Ensuite les constructeurs indiquent que les processeurs images embarqués ( DIGIC¹ par exemple pour Canon ) vont améliorer l’image analogique qui a été codé en numérique en délivrant un fichier mis à disposition des graphistes, le fameux RAW.

¹ DIGIC et autres ont d’autres fonctions également, c’est un véritable processeur regroupant plusieurs taches.


2. Que se passe-t-il au moment de la prise de vue ?

Le RAW arrivant dans la mémoire vive de l’APN, pour créer le JPEG, fait appel à une routine de travail, rapide. Cela prend « un certain temps ». Ensuite on doit compter le temps de transfert sur la carte mémoire de l’utilisateur ( CF, SD, etc. ) 
C’est ce « certain temps », très variable selon les APN et les conditions de prise de vue qui sera utilisé par le DSP ou le DIGIC pour traiter numériquement le fichier délivré par le capteur avant de transférer le RAW définitif sur la carte mémoire.
Autre particularité, si je ne demande pas à mon boîtier de créer de JPEG (RAW seul), le fichier RAW transféré à la carte mémoire est plus lourd ! C’est bien la preuve contrairement à certaines affirmations qu’il y a bien un traitement sur le RAW et qu’il ne s’agit pas d’un signal brut de capteur !

Prenons un autre cas concret. Avec mon Canon EOS 1D Mark³, en bas iso le JPEG fait 3 à 4 Mo, le RAW 10 Mo. En haut iso, le JPEG fait parfois 7 Mo, et le RAW 15 Mo.

Si le RAW était direct du capteur , sans passer par une manipulation numérique d’amélioration, pourquoi constatons-nous ces différences ?
De même, si le RAW était direct du capteur , sans passer par une manipulation numérique d’amélioration, le temps de transfert entre le signal émis par le capteur et l’écriture des fichiers sur la carte mémoire devrait être entre deux et trois fois plus longs pour les fichiers RAW que pour les JPEG. Hors, il n’en est rien, sur le 1D Mark³ ce temps de transfert des JPEG est environ 6 fois plus long !
Il se passe donc bien quelque chose entre le signal brut de capteur et l’écriture sur la carte mémoire !

Vous pouvez aujourd’hui vérifier cela avec tous les APN, avec des proportions différentes bien sur.

En clair, le soi disant RAW original brut de capteur, qui vient de créer un JPEG en un temps record, va mettre un temps notablement supérieur à s’écrire sur la carte mémoire, alors même qu’il est déjà confortablement installé dans la mémoire du boîtier ? (Pour mémoire, il a déjà servi à faire le JPEG).
C’est l’évidence même, lui aussi doit subir un processus numérique d’amélioration.

3. Un capteur identique, sur deux boîtiers différents donne-il des RAW de même qualité ? (en faisant abstraction des qualités optiques sur des boîtiers de marques différentes). 

Cela devrait être le cas s’il n’y avait pas de traitement numérique du RAW.

On l’a dit, la presse l’a écrite, les utilisateurs l’ont remarqué. Les Sony 10 MégaPix CCD, qui ont produit quelques bons APN de la génération précédente, avaient des fluctuations dans le résultat final des RAW ( et encore plus des JPEG mais ce n’est pas le sujet ) selon la marque qui les utilisait.

Un célèbre magazine français, CI pour ne pas le nommer, note que le savoir faire numérique des ingénieurs de Nikon est supérieur à celui des créateurs du capteur ! C’est un peu normal, note le journal, il faut aussi comprendre que ce n’est pas le même public visé. Nikon vise les experts.

De quoi était il question ? Des manipulations les plus basiques, celles de la dureté du signal autrement nommée « accentuation », donc sur la luminance, et aussi sur des opérations de gommage. L’APN était à la fois plus dur ( Accentuation de luminance ) et avec moins de détails ( gommage des aberrations ).
Les traitement de luminance sont les plus communs sur les RAW des APN, ils sont aussi de plus en plus subtils avec la qualité de l’APN.

4. Que dire d’un traitement différent du signal dans une même gamme ?

Nous avons vu dans le point précédent, que les accentuations sur luminances distinguent les qualités, d’un même capteur.
On peut aussi extrapoler cette observation sur différents boîtiers d’une même marque. Par exemple les RAW d’un 8 MégaPix grand public, le Canon EOS 350D, sont plus pétants ( toujours luminance ) que ceux d’un 1D Mark². Diantre ! Que faut-il en conclure ? On nous aurait caché que le 350 D était meilleur que le 1D Mark² ?
La réponse est bien évidemment « non » !
Le petit 350D est simplement plus « durci » en natif !
Le photographe averti pour constater que le 1D² pique terriblement, mais qu’il est d’abord neutre par la volonté de Canon sur ses boîtiers pros. Ce qui signifie que le « traitement numérique de la luminance » sur les boîtiers pros de Canon est le plus doux possible pour laisser toute la possibilité au photographe de retravailler sa photo selon ses besoins ou de régler lui-même le traitement que l’APN appliquera à ses JPEG de sortie boîtier. Le malheureux petit 350 D ne permettait pas ses réglages, il n’était pas fait pour cela et j’oserais dire que son utilisateur, bien souvent, ne le demandait pas non plus.

Pour mémoire, Les RAW les plus « mous » en natif de tous les APN Cmos sont ceux des Canon 1D et 1DS, et des Nikon pro D3 et D700 , qui sont peut être encore moins accentués que les Canon pro. 

5. Mais il y a encore plus flagrant en matière de traitement numérique des RAW.

Plus encore que les accentuations de luminance, malgré tout légères dans les APN reflex, le cas le plus visible est celui des traitements numériques sur la chrominance. Et précisément celui des ISO virtuels.

Par exemple, sur le Canon EOS 1D Mark³, vous avez la possibilité de « régler l’extension de la sensibilité ISO » selon les indications du constructeur CANON. Ainsi la sensibilité Maxi peut être « étendue » de 3200 ISO à 6400 ISO. De quoi s’agit-il ?
En fait vous avez un fichier inventé de toute pièce, déclaré en iso supérieur ! Ce faux 6400 iso du Canon est un 3200 iso réel, sous exposé. Le boîtier traite alors ce fichier numériquement, par ampli des capteurs, ce n’est plus une caractéristique analogique mais logicielle, ce qui prouve une nouvelle fois que les boîtiers interviennent sur les RAW et ne les délivrent pas « bruts de capteur ». 
D’ailleurs, le résultat du RAW créé en iso virtuel par une sous exposition et un traitement numérique du RAW par le capteur (nettoyage du bruit), est bien meilleur que celui que l’on obtient en faisant nous même la sous exposition avec l’iso inférieur. 

Les manipulations sont nombreuses, sur la luminance et surtout sur la chrominance et les effets des lignes parasites, d’une manière souvent très spectaculaire. Le RAW est donc bien le produit d’un travail logiciel intense.
Pour nuancer ce propos, il faut bien préciser cependant que le maximum des traitements numériques sur les RAW sont effectués dans les fichiers de prises de vue « extrêmes ». 

6. Le traitement numérique d’un fichier RAW peut parfois marquer un constructeur, en bien ou en mal, l’avenir le dira.

Un astronome, chercheur émérite, a découvert que Nikon gommait des pixels isolés. Un fait totalement insignifiant pour les photographes, mais très embêtant pour les astronomes qui pourrait voir sauter une petite étoile de leur travail photographique . Contrairement à Canon qui diminue les erreurs de bruit, Nikon a pris le parti d’en supprimer purement et simplement quelques pixels isolés. Dans les Canon, quand bien même le bruit est faible, il subsiste toujours. Nikon, lui, inaugure les éliminations drastiques de pixels bruités. Si le préjudice peut être énorme pour l’astronomie, le bénéfice peut être grand pour la photo et, la gamme D3 donne sans doute une nouvelle direction au traitement du bruit numérique. On peut penser que Canon fera de même, tôt ou tard. Mais, la encore, on est dans la prise de vue « extrême ».

Conclusion :

Quitte à décevoir les puristes, je suis persuadé que les RAW bruts de capteur n’existent pas et que tous sont traités numériquement. Mais, je pense aussi que les constructeurs sont assez sages pour que des APN Reflex de qualité, effectuent les « corrections » avec prudence. Par définition un point aberrant, remplacé par un bon, ne doit pas affoler dans les chaumières des photographes, même les plus purs !
Admettons donc pour le très haut de gamme, l’absence des effets d’accentuation en luminance, ou très peu, c’est quasiment la seule chose. Corriger le bruit ( chrominance en particulier ) ne me gêne pas, je pense qu’il faudrait être fou pour en laisser, là où les concurrents l’ôtent.
Que les constructeurs continuent donc à traiter les RAW dans les DSP ( DIGIC ou autres ordinateurs embarqués), pour améliorer l’image. C’un fait incontournable, c’est le fruit du travail des ingénieurs images qu’il faut admirer et encourager.